Bouche cousue by Marilou Addison

Auteur:Marilou Addison
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: De Mortagne
Publié: 2019-08-13T22:00:00+00:00

Suivi de dossier

DATE : 17 juin

PROCHAINE RENCONTRE : Le mardi 18 juin, au matin, Naomie Vinet doit passer au domicile de madame Ross. Aucune heure précise.

NOTES : Comme mon état ne s’est pas amélioré, je me vois dans l’obligation de transférer le dossier de madame Béatrice Ross à ma collègue, Naomie Vinet. Celle-ci a gentiment accepté de prendre le relais le temps que je me sente mieux. Je ne mentionne habituellement pas mes états de santé dans les dossiers de mes patients, mais, puisque je risque de devoir subir une opération à la vésicule biliaire et que je ne pourrai pas retourner au travail avant la fin de ma convalescence, je n’ai pas trop le choix. Toutefois, si rien n’est réglé à mon retour, je reprendrai sans problème ce dossier. Ma collègue est apte à s’en charger, puisqu’elle a déjà de l’expérience avec les cas d’accumulation compulsive. Bien que celui de madame Ross semble assez grave…

QUATRIÈME ÉTAPE DE SON TRAITEMENT :

Une visite du domicile de madame Ross s’impose, question que Naomie s’approprie le dossier. Elle pourra ensuite suivre mes indications précédentes, ou refaire un plan d’intervention plus ciblé. Elle veut vérifier qu’il s’agit bien d’un TAC, et non d’une simple collection rassemblée par madame Ross. Je lui ai exprimé mes doutes à ce sujet, puisque je ne crois pas que la patiente tire une quelconque fierté de ce qu’elle accumule, comme le font habituellement les collectionneurs.

Je n’ai pas eu le temps de déterminer la cause de l’accumulation, ce que compte faire Naomie. Est-ce simplement utilitaire ou sentimental ? Dans le deuxième cas, il sera difficile de lui faire comprendre la nécessité de se débarrasser des objets qui encombrent sa demeure.

Selon mon expérience sur le terrain, les patients comme madame Ross amassent souvent des objets pour ces deux raisons.

Il ne faut pas prendre la patiente de haut ni la mépriser, malgré son trouble. Elle me paraît avoir toute sa tête. C’est la raison pour laquelle elle doit prendre conscience MAINTENANT de son problème, et non plus tard. Parce qu’elle tentera encore et encore de repousser l’échéance du grand ménage. La maison pourrait alors ne plus être récupérable.

Ensuite, une thérapie cognitive intensive me semble de mise. Il est primordial qu’elle comprenne que ses pensées ne sont pas réalistes. Ce n’est pas parce qu’elle promet de ranger le tout qu’elle le fera. Elle doit apprendre à agir dans l’immédiat. Un tri est essentiel. Je parle ici d’un réel ménage, et non d’un simple déplacement des objets. Par la suite, des choses pourront être jetées. Je suis intervenu avec précipitation, l’autre jour, en allant déposer des sacs à ordures sur le bord du chemin. Je ne serais pas surpris d’apprendre qu’elle est allée les récupérer dès mon départ.

Cette erreur m’a montré que je n’étais pas apte, pour le moment, à m’occuper de ce dossier. Je ne veux pas me justifier, mais c’était sûrement dû en grande partie au fait que je souffrais atrocement, ce jour-là. J’ai un peu peur d’avoir aggravé son état en lui causant un traumatisme supplémentaire.

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